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Bonne lecture et bonne réflexion

Pionnières

Lauriane Savoy

Pionnières

Comment les femmes sont devenues pasteures. Préface d’Anne Soupa. Postface d’Élisabeth Parmentier. Labor et Fides, 2023, 320 pages, 24 €.

Le propos pourra paraître bien spécialisé : retracer l’histoire de l’accès des femmes protestantes au pastorat dans les deux Églises du canton de Genève et de Vaud durant les décennies du XXe siècle, en scrutant l’itinéraire de quelques pionnières en la matière. Mais, rapidement, la lecture, qui se révèle allègrement captivante, découvre des horizons plus vastes, où les trois monothéismes se rejoignent dans une difficulté partagée à envisager l’accès des femmes à la célébration du culte. Théologienne à la faculté de Genève, Lauriane Savoy œuvre ici en qualité d’historienne. De là, une enquête méticuleuse exhumant archives et histoire de femmes qui rencontrèrent souvent la question de leur accès au pastorat comme fille ou femme de pasteur, au moment même où l’attribution de droits civiques faisait l’actualité autour d’elles. L’ouvrage offre ainsi une série de monographies, qui restituent le concret de parcours personnels affrontés à une résistance organisée contre la promotion des femmes. En ce sens, s’il faut bien parler de combat : celui-ci s’exprime déjà au masculin dans une véritable mobilisation déclarant une incompatibilité ontologique des femmes avec l’exercice d’un « service sacré ». Sont invoqués une traditionnelle identité essentialisée du féminin, le caractère sacré de la maternité, une complémentarité inégalitaire des sexes, mais aussi l’arsenal des préjugés de la misogynie, souvent extravagants. Le danger que les femmes se masculinisent en accédant au pastorat est un autre leitmotiv. Nul doute que, pour le lecteur catholique, cette histoire comporte une troublante note d’actualité. Qu’elle soit en tout cas matière à penser dans une conjoncture où le ministère sacerdotal exige d’être revisité dans le sens d’une ecclésiologie plus inclusive, faisant droit au fondement baptismal de toute existence croyante.

Anne-Marie Pelletier

 

recension parue dans la revue Études

Intervention de François Odinet

François Odinet, prêtre du diocèse du Havre et enseignant au Centre Sèvres, est intervenu le 2 mai 2023 devant le groupe de travail de Promesses d’Eglise sur les relations entre clercs et laïcs. Il montre, d’une part, comment l’absence d’une prise en charge directe de la diaconie a appauvri nos communautés chrétiennes et, d’autre part, comment une attention renouvelée aux pauvres et une conception plus ample de la diaconie peuvent aider à combattre le cléricalisme et examiner à frais nouveaux la question des ministères dans l’Eglise

Son intervention est disponible en cliquant sur ce lien

Interview de Nicolas Truelle

Dans une série d’interviews des membres de Promesses d’Eglise, nous donnons la parole aux représentant(e)s des mouvements et communautées constituant ce collectif

Aujourd’hui Nicolas Truelle qui est Directeur Général des Apprentis d’Auteil et membre de promesses d’Église

Vous trouverez en cliquant ci-dessous l’interview de Nicolas Truelle

Entretien avec Mgr Pascal Wintzer

Mgr Pascal Wintzer est archevêque de Poitiers. Il a répondu aux questions de Mme Dominique Quinio sur son texte paru dans la collection “tracts” des éditions Gallimard

Le collectif Promesses d’Église s’est mis en route à la suite de la lettre du pape François qui demandait au Peuple de Dieu, en réponse à la terrible crise des abus, de participer à la transformation ecclésiale et sociale dont le monde a besoin. Dans votre texte publié dans la collection Tract de Gallimard, vous rappelez que l’Église est certes le corps du Christ mais qu’elle est aussi une institution humaine. Il n’est donc pas sacrilège de vouloir la transformer ?

Nous devons nous replacer dans l’Histoire. Je pense que le Concile Vatican II a avant tout voulu souligner l’Église comme un mystère pour rééquilibrer une théologie des 18è et 19èsiècles, où l’Église était surtout présentée comme une société parfaite, l’aspect institutionnel était donc valorisé. Il faut que les textes soient interprétés sur la durée : ce qui a été dit à Vatican II n’oblitère pas tout ce qui a pu être dit auparavant sur l’aspect organisationnel. Il nous faut regarder l’Église à la fois comme mystère, réalité voulue par Dieu, mais aussi comme institution. Tout n’est pas intangible dans la vie de l’Église : on le constate dans le temps de l’histoire mais aussi dans l’espace. C’est un héritage de Vatican II :une vie d’Église peut être diverse selon les lieux. On a avec François un pape qui vient d’un autre continent et qui a une autre culture. On pensait que l’Église était européenne partout ; ce n’est pas le cas et c’est cela que je mets derrière l’idée que l’Église est aussi une institution, un signe inscrit dans l’histoire et dans l’espace et qui, de cette manière là est plastique, si j’ose dire.

Pourquoi est-il urgent et nécessaire de travailler aujourd’hui sur cet aspect institutionnel ?
Les abus de toutes sortes manifestent que les formes institutionnelles de l’Église ont failli. Les crimes et les délits ne sont pas seulement le fait d’individus (l’ampleur en a été montrée par le rapport de la Ciase) : les formes institutionnelles n’ont pas été aptes à protéger les personnes victimes, ni à changer les pratiques et comportements. La seule conversion individuelle ou la seule mise à l’écart des personnes déviantes –objectivement il y en a – ne suffiront pas. La tentation serait d’oublier tout ce qui s’est révélé comme défaillance institutionnelle et de s’en tenir aux cas particuliers.

Dans cet objectif de transformation, quels seraient les pas prioritaires à accomplir ?
C’est vrai partout, et dans l’Église aussi : il est nécessaire que les gens ne travaillent pas seulement avec des personnes qui leur ressemblent ou qui partagent les mêmes idées. Dans les groupes de délibération et de décision – chez nous les conseils épiscopaux, paroissiaux …- les règles de composition doivent assurer une vraie diversité des personnes ; c’est la garantie que des paroles, des regards divers puissent se croiser. Bien sûr, il y a des moments où les décisions sont prises, mais il est important que les contradictions aient été portées, qu’il y ait eu confrontation.

Mais sait-on, dans nos communautés, oser porter la contradiction ?
Cela passe par des procédures : ce n’est pas attenter à une personne, à son autorité que de prononcer une critique. C’est ce qu’on a vécu dans les groupes de travail mis en place après la Ciase auxquels des évêques participaient : des groupes diversifiés menés par des personnes qui avaient des compétences d’animation de tels groupes. Nous avons mené un vrai travail avec des personnes n’ayant pas les mêmes idées, avec des victimes…

Dans votre texte de Tract, vous utilisez des mots comme contre-pouvoir, contrôle, évaluation
Pour les évêques, la nécessité d’une évaluation, d’un contrôle, c’est un des points que l’on a votés. On a

souhaité que cela se fasse pour les prêtres, aussi.


Qu’entendez-vous par contre-pouvoir ?

Cela a été vécu avec les groupes de travail post-Ciase. Les évêques présents ont entendu des paroles venant
d’autres qu’eux-mêmes. Les paroles ou les propositions n’émanaient pas d’eux seuls.

Mais qui décide ?
A qui revient la décision ? Elle est revenue aux évêques seuls. Or, le pape François a donné un droit de vote à

tous les participants (dont des laïcs, des religieuses, religieux) au synode des évêques sur la synodalité de

l’automne prochain. D’autres, dans nos assemblées d’évêques, pourraient avoir un droit de vote.

Vous ne voulez pas d’évêques qui décident tout. Et vous évoquez la possibilité de ne porter la charge
de diriger un diocèse qu’un certain temps.

C’est peut-être un ressenti trop personnel ; il y a besoin de renouvellement dans les responsabilités. Ce ne

serait pas aberrant pour un évêque de retrouver une autre mission. C’est déjà vrai pour certains d’entre nous,

mais ceci s’exprime à l’occasion de crises, et certains des évêques n’ont pas retrouvé de ministères très

définis. Il ne faut pas attendre la crise. La mise en place de l’évaluation du ministère épiscopal permettra cela,

je l’espère. Cela suppose de regarder autrement l’épiscopat. Ce n’est pas un Graal, mais un service que l’on

rend ; un évêque peut rendre d’autres services à l’Église. Cela touche aussi des prêtres qui veulent exercer un

autre ministère que celui de curé de paroisse.

Vous parlez de Graal ? Certains s’interrogent sur le caractère sacré du sacerdoce.
Je pense qu’un des facteurs qui a contribué à la crise des abus, c’est l’image ou le rôle sacré du prêtre, qui

serait au-dessus, à côté, dans une forme d’humanité exceptionnelle. Le célibat, d’ailleurs
contribue à cela (je
ne le remets pas en cause, je l’ai choisi), à l’idée d’une humanité à part. L’humanité est la même pour tout le

monde. S’il y avait de prêtres qui ne sont pas célibataires, cela mettrait un coin dans cette idéalisation de la

figure du prêtre.

Qu’est ce que vous attendez des laïcs
Un rôle d’opinion politique catholique. Il y a des lobbys dans le catholicisme, des groupes traditionnalistes qui

n’ont pas peur de se manifester sur des réseaux, des sites. Il est dommage de laisser la parole à ces seuls

groupes qui savent faire pression.

Pouvons-nous revenir sur la dernière assemblée plénière des évêques. Certains laïcs participants ont été
déçus, frustrés.

Oui, ce fut une grosse déception. Étant de l’intérieur, je ne m’attendais pas à monts et merveilles. Mais c’est

une question ecclésiologique : comment conçoit-on le rôle de la conférence des évêques ? En France, nous

insistons sur le fait que chaque diocèse est une Église pleine et entière. La conférence est pensée comme un

lieu de concertation et pas un lieu de décision.

Il n’y pas d’Église de France, il y a une Église en France. Ce n’est pas le cas dans d’autres pays européens

comme l’Allemagne ou la Belgique où il y a moins de répugnance à avoir une conférence épiscopale

décisionnelle pour l’ensemble de l’Église du pays. Nous sommes trop dépendants, au sujet des conférences

épiscopales, de la compréhension, à mon avis restrictive, qui vient de Jean Paul II et de Benoit XVI. De ce fait,

on a voté a minima, renvoyant les décisions aux diocèses. Donner plus de poids à la Conférence, ce serait aller

vers une communion, pas seulement affective comme on dit, mais effective, plus contraignante, avec des

règles et des procédures, bien sûr.

Pensez-vous qu’une majorité d’évêques partage votre avis ?
Je ne crois pas. Nous craignons de ne plus être maîtres dans nos diocèses. Certains, bien sûr, font bouger les

choses à l’intérieur de leur diocèse, mais ceci reste trop lié à nos personnalités, à nos théologies, nos

ecclésiologies et cela explique cette disparité que l’on constate dans notre pays.

De même, beaucoup de laïcs ont regretté que ne soit évoquée qu’une assemblée synodale tous les trois ans,
où chaque évêque viendrait avec ses deux laïcs

Il y aura une assemblée synodale tous les trois ans. On pouvait espérer autre chose, selon cette idée que

Lourdes pourrait être plus qu’une seule assemblée d’évêques. L’évêque est là au nom de son Église et elle doit

se manifester au-delà de sa seule présence. Mais ce n’est pas cela que nous avons voté.

L’Église à la rencontre de l’autre

Laurent Villemin

L’Église à la rencontre de l’autre.

Textes rassemblés et édités par Gilles Routhier et François Moog, Cerf, « Unam sanctam. Nouvelle série », 344 pages, 24 €.

Ce livre offre un accès renouvelé à l’œuvre du grand ecclésiologue français, Laurent Villemin, décédé en 2017, en rassemblant une série de textes remontant jusqu’au milieu des années 2000. Le titre signale le fil conducteur de sa réflexion sur l’Église : une Église à la rencontre de l’autre, en dialogue – le dialogue œcuménique tenant une place centrale. L’« Introduction générale » de Gilles Routhier et François Moog met bien en lumière la visée prospective de ces textes qui ouvrent un « chantier en ecclésiologie », en dialogue avec les sciences sociales, Villemin ayant eu une formation initiale en sociologie. À ces titres, l’ouvrage est important pour penser la réforme de l’Église dans le contexte actuel de crise des violences sexuelles. Dans le foisonnement de cette pensée nuancée, l’on peut retenir l’attention à la paroisse, qui demeure un « pôle de repère et de visibilité » pour les non-pratiquants et les non-croyants, ou aux nouveaux mouvements ecclésiaux qui ne doivent toutefois pas se considérer comme « le tout de la vie ecclésiale ». L’auteur relève encore le rôle de la synodalité pour concevoir le ministère épiscopal davantage en relation avec le Peuple. Particulièrement marquant est son appel à la constitution d’une « opinion publique ecclésiale qui constitue le fruit d’un discernement de l’Esprit et non l’imposition de l’opinion de la majorité par une sorte de domination politique ». Dans cet esprit, il souligne également la place des médias, qu’il y aurait lieu d’approfondir encore davantage en théologie, dans la constitution de cette opinion publique.

Agnès Desmazières

Le Dieu qui ne compte pas

 

Étienne Grieu

Le Dieu qui ne compte pas.

À l’écoute des humiliés et des boiteux.

Salvator, 2023, 206 pages, 20 €.

À partir d’un ensemble de travaux menés par un groupe de théologiens auprès des plus pauvres dans notre société, Étienne Grieu montre la proximité entre « ceux qui ne comptent pas dans la société » et « le Dieu qui ne compte pas », puisqu’il a préféré donner sa vie pour sauver sa Création. L’écoute et la relecture des expériences spirituelles des plus démunis mettent en évidence que ceux-ci se reconnaissent spontanément dans cet homme de douleurs qu’est le crucifié. En l’absence de sécurité matérielle ou relationnelle dans la vie, leur foi jaillit avec une spontanéité qui, à elle seule, est rafraîchissante pour tout croyant. Mais le livre va plus loin. Il montre, à partir d’une solide analyse biblique, que la présence des pauvres et des humiliés est indispensable à l’annonce de l’Évangile. C’est dans la rencontre avec des aveugles, des paralysés, des lépreux ou même des possédés que Jésus va répondre et agir. Son attitude à l’égard de tous ces malheureux empêche les disciples de s’enfermer dans un confortable entre-soi avec le Christ et leur révèle la véritable portée de son message. Mieux, c’est l’interpellation des plus pauvres qui permet aux disciples de se former à l’école de Jésus qui, inlassablement va réintroduire tous les exclus dans la famille humaine. Hier comme aujourd’hui, le message de l’Évangile passe donc par la place faite aux pauvres et aux humiliés. Une constatation lourde de conséquences pour l’Église qui est appelée à un véritable déplacement pour devenir une Église pauvre pour les pauvres, déplacement salutaire aussi pour nos sociétés où règnent les rapports de force et de compétition. C’est un appel à tout chrétien à découvrir ce Dieu qui ne compte pas et qui peut encore changer la face du monde.

Monique Baujard