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Bonne lecture et bonne réflexion
Interview de Christine Danel
Dans une série d’interviews des membres de Promesses d’Église, nous donnons la parole aux représentant(e)s des mouvements et communautées constituant ce collectif
Aujourd’hui Christine Danel qui est supérieure générale de la Xavière et membre du conseil de la CORREF (Conférence des religieux et religieuses en France)
Vous trouverez en cliquant ci-dessous l’interview de Christine Danel
Interview de Raphaëlle Tiberghien
Dans une série d’interviews des membres de Promesses d’Église, nous donnons la parole aux représentant(e)s des mouvements et communautées constituant ce collectif
Aujourd’hui Raphaëlle Tiberghien, présidente de “Chrétiens-divorcés – Chemins d’Espérance ”
Vous trouverez en cliquant ci-dessous l’interview de Raphaêlle Tiberghien
Tomas Halik, l’Eglise doit subir une réforme profonde
Le théologien et prêtre catholique tchèque Tomas Halik a prononcé le 6 février un discours d’« introduction spirituelle » à l’Assemblée synodale européenne sur l’avenir de l’Église, dans la capitale tchèque.
La Croix : Comment l’Église peut-elle être plus pertinente en Europe, dans nos sociétés sécularisées ? Doit-elle s’adapter aux évolutions sociétales, ou être de contre-culture ?
Père Tomas Halik : La mission principale de l’Église est l’évangélisation, qui consiste en une inculturation, un effort pour insuffler l’esprit de l’Évangile dans la manière de penser et de vivre des gens aujourd’hui. Sans cela, l’évangélisation n’est qu’un endoctrinement superficiel. L’Église ne peut, et ne doit pas faire partie de la contre-culture, ou être en résistance, si ce n’est face à des régimes répressifs tels que le nazisme, le fascisme et le communisme. Les tentatives de faire du catholicisme – surtout entre le milieu du XIXe, et le milieu du XXe siècle – une contre-culture contre la société, la culture, la science et la philosophie modernes ont conduit à une autocastration intellectuelle, causant l’éloignement d’une grande partie de la classe ouvrière, des intellectuels et des jeunes.
La peur et l’aversion pour la culture moderne ont mené à une ex-culturation, contribuant sensiblement à la sécularisation de la société occidentale. Les efforts de Vatican II pour dialoguer avec la modernité et l’humanisme séculier sont arrivés trop tard, à un moment où la modernité touchait déjà à sa fin. La société postmoderne présente aux Églises des défis et des opportunités très différents de ceux de la modernité. Pour devenir une voix crédible et intelligible à une époque de pluralité radicale, l’Église doit subir une réforme profonde – et j’espère que le chemin synodal sera une telle réforme.
De telles transformations ne risquent-elles pas de dissoudre le message chrétien, comme ce que semble craindre le pape devant les positions les plus extrêmes du chemin synodal allemand ?
P. T. H. : La voie synodale allemande semble accorder une grande importance au changement des structures institutionnelles. Elle soulève avec audace des questions qui ne peuvent être taboues, et parle de problèmes dont la solution ne peut être reportée indéfiniment. J’insiste cependant sur le fait que les réformes institutionnelles – comme les questions autour des conditions d’exercice du ministère sacerdotal – doivent être précédées, et accompagner, un approfondissement de la théologie et de la spiritualité.
J’ai récemment publié un livre, « L’Après-midi du christianisme » (1), dans lequel je réfléchis à la théologie et à la spiritualité du renouveau synodal. J’applique une méthode que j’appelle « kairologie » – une herméneutique théologique du changement de culture et de société, inspirée de la méthode ignatienne de « discernement spirituel ». Une distinction doit être faite entre « l’esprit du temps » (Zeitgeist), qui est le « langage du monde », et les « signes des temps », qui sont le langage de Dieu à travers les événements du monde.
Certains théologiens – comme Karl Barth et Dietrich Bonhoeffer – se sont demandé si le christianisme était ou non une religion. Je crois que le christianisme de demain sera une religion dans un sens très différent de ce qu’il était autrefois. Le mot religion (religio) est dérivé du verbe religare, réunir ; la religion était la force intégratrice (« langage commun ») de toute une société. Mais le mot religion (religio) peut aussi être dérivé du verbe relegere, « relire ». Le christianisme devrait offrir une nouvelle herméneutique, une nouvelle lecture, et une compréhension plus profonde de ses propres sources – l’Écriture et la Tradition – mais aussi des « signes des temps ».
Le processus de sécularisation s’est accéléré en Europe à cause de la crise des abus. En quoi celle-ci peut-elle être perçue comme un « signe des temps » pour l’Église ?
P. T. H. : Les abus sexuels jouent pour moi un rôle similaire à celui des scandales liés au commerce des indulgences, juste avant la Réforme. Au début, les deux phénomènes semblaient marginaux. Or tous deux ont révélé des problèmes systémiques beaucoup plus profonds. Dans le cas du commerce des indulgences, il s’agissait de la relation entre l’Église et l’argent, l’Église et le pouvoir, le clergé et les laïcs. Dans le cas des abus sexuels, psychologiques et spirituels, il s’agit de la maladie du système que le pape François a appelée « cléricalisme ». Il s’agit avant tout d’un abus de pouvoir et d’autorité.
Le pape appelle à la transformation du système rigide du pouvoir clérical en l’Église en tant que réseau dynamique de coopération mutuelle, un chemin commun (syn-hodos). Ce voyage conduit nécessairement à une transcendance des frontières institutionnelles et mentales actuelles de l’Église, à un œcuménisme plus profond et plus large – à une invitation universelle à tous sur le chemin de l’objectif eschatologique de la « fraternité universelle ». La grande vision du pape François, contenue dans l’encyclique Fratelli tutti, pourrait jouer au XXIe siècle un rôle similaire à celui de la Déclaration universelle des droits de l’homme au XXe siècle.
Le cours futur du processus synodal montrera si l’Église offre seulement de belles visions à l’humanité d’aujourd’hui (juste des mots, des mots, des mots) ou si elle montrera le courage de « l’auto-transcendance ». L’identité du christianisme n’est pas quelque chose de statique et d’immuable. L’identité et l’authenticité du christianisme résident dans la participation au drame de Pâques – le mystère de la mort et de la résurrection. Beaucoup de choses dans l’Église doivent mourir pour que la résurrection ait lieu – et la résurrection n’est pas une « réanimation », un retour en arrière, mais une transformation radicale.
Comment développer et pérenniser une culture de la synodalité en Europe, alors que les Églises « nationales » s’inscrivent dans des réalités ecclésiales si différentes ?
P. T. H. : L’obsession du « principe national », que ce soit dans l’État ou dans l’Église, entraîne le danger du nationalisme, de l’égoïsme national, l’une des maladies de la modernité, du XIXe siècle, qui réapparaît aujourd’hui comme une dangereuse tentation avec le populisme et le fondamentalisme dans la crise de la mondialisation.
Le nationalisme a été à l’origine de deux guerres mondiales, et l’actuelle troisième guerre mondiale, que la Russie a déclenchée avec le génocide en Ukraine – une menace mondiale que l’Occident sous-estime de manière répréhensible – est également causée par le nationalisme, par le dangereux impérialisme russe et par le messianisme national. Le pape François le dit clairement : un chrétien ne doit pas être un nationaliste.
La pensée à l’intérieur des frontières nationales doit être à mon sens dépassée par la « glocalité »(concept de penser global, et agir local, NDLR). La transformation synodale de l’Église devrait contribuer à la transformation de la mondialisation en « glocalisation », basculant ainsi vers davantage de solidarité, de respect mutuel et de partage.
Le catholicisme français à l’épreuve des scandales sexuels
Recension parue dans la revue Etudes
Céline Béraud
Le catholicisme français à l’épreuve des scandales sexuels
Seuil, « La République des idées », 2021, 112 pages, 11,80 €.
Dans ce livre court et fluide, Céline Béraud analyse les conséquences de la crise des abus sexuels de 2018-2020 sur les équilibres internes du catholicisme français. En termes d’affiliation, les scandales contribuent à nourrir la tendance lourde à la baisse, mais leur impact n’est peut-être pas si déterminant qu’on pourrait le penser spontanément. Certes, à la suite des révélations, certains fidèles ont fait défection, en refusant de continuer à endosser une identité catholique ou en cessant d’aller à la messe, sans pour autant couper tous les ponts: ils sont souvent venus grossir un « second cercle » qui maintient un lien plus ou moins distendu avec le catholicisme, à travers ses monastères, sa presse ou ses associations caritatives. Mais d’autres ont exprimé leur protestation de l’intérieur de l’institution, dans l’espoir de la rénover. Le discours de changement, qui avait été disqualifié sous le pontificat de Jean Paul II (mariage des prêtres, place des femmes, reformulation du discours sur la sexualité, etc.), retrouve une certaine audience, dans un contexte où le pôle conservateur de l’Église, très visible en 2012-2014 au moment du « Mariage pour tous », est déstabilisé par les révélations sur le double jeu de plusieurs de ses figures de proue. Les scandales constituent une « fenêtre d’opportunité » pour faire avancer des « revendications longtemps retenues, voire étouffées », dans un contexte où le pape François entrouvre la porte aux réformes, tout en promouvant une approche moins verticale de la gouvernance, le cléricalisme étant vu comme la principale cause des abus. Cette analyse sociologique permettra aux catholiques de mettre en perspective le moment qu’ils vivent et, aux autres, de mieux comprendre ce qui se joue actuellement dans le catholicisme.
Charles Mercier
La trahison des pères
Recension parue dans la revue Etudes
Céline Hoyeau
La trahison des pères
Emprise et abus des fondateurs de communautés nouvelles
Bayard, 2021, 280 pages, 19,90 €.
L’objet de ce livre est mentionné sur la page de garde en sous-titre: « Emprise et abus des fondateurs de communautés nouvelles ». Il est le fruit d’une enquête démarrée en octobre 2019, mais dont les origines vont beaucoup plus loin puisque Céline Hoyeau a fait partie de ces mouvements de jeunes qui vivaient l’aventure de la mission dans les années 2000, à l’initiative de Jean Paul II et de multiples fondateurs. L’auteure est croyante, proche de ces mouvements de renouveau mais, en même temps, « meurtrie par toutes ces affaires ». Utilisant de multiples interviews de témoins et de spécialistes, la journaliste de La Croix analyse les dérives spirituelles et sexuelles d’une quinzaine de fondateurs de communautés dans le cadre français et s’interroge. Dans une période de grandes mutations et d’incertitude de l’Église, des esprits inspirés ont pu drainer de nombreux adeptes impressionnés, voire aveuglés, par des charismes qui semblaient promettre un nouveau printemps de la foi. La hiérarchie ecclésiale, souvent divisée et hésitante, n’a pas su gérer cette foison de nouveautés, aveuglée par les fruits apparemment si remarquables. Au fil des pages, l’auteure examine de nombreux cas concrets, Jean Vanier, le frère Éphraïm (Gérard Croissant), Thierry de Roucy et spécialement les frères Thomas et Marie-Dominique Philippe, sur lesquels elle apporte de précieuses informations historiques et théologiques.
Pierre de Charentenay
Abus Sexuels
Recension parue dans la revue Etudes
Marie-Jo Thiel, Anne Danion-Grilliat et Frédéric Trautmann (dir.)
Abus sexuels
Écouter, enquêter, prévenir. Presses universitaires de Strasbourg, « Chemins d’éthique », 2022, 438 pages, 28 €.
À lui seul, le titre évoque un manifeste, les attitudes requises face aux agressions sexuelles et abus spirituels et de pouvoir de toutes sortes. Si les directeurs de l’ouvrage ont ciblé le monde ecclésial, le volume est loin de s’y restreindre. Pour comprendre les multiples questions que pose ce type de violence, il fallait réunir des spécialistes de nombreuses disciplines et élargir l’approche aux démarches du soin, de la justice et de la prévention. Ce regard croisé est le seul possible pour traiter de ce type de violence, en raison de « l’hybridation réciproque des causes ». En partant des victimes, la première partie explore la nature des traumatismes, d’un point de vue psychique et somatique. Elle se poursuit en éclairant ce que sont les abus spirituels et le contexte pastoral et culturel de ces agressions. La deuxième partie apporte une lumière précieuse sur l’encadrement juridique civil et canonique, la difficulté des procédures et la connaissance que la justice acquiert des modes d’opérer des agresseurs. Sans masquer les limites de la justice, et la nécessité d’aborder par des commissions interdisciplinaires le phénomène (voir la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église [Ciase]), la troisième partie se consacre ensuite au chantier de la prévention, qui commence par l’identification des terrains abusifs et par l’élaboration d’actions qui attendent aussi encore urgemment d’être mises en œuvre. Bref, une somme qui ne se veut en rien définitive.
Patrick C. Goujon