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Bonne lecture et bonne réflexion

Ensemble pour le Synode

Dominique Quinio, ancienne directrice du journal la Croix est présidente des Semaines Sociales de France, membre du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé et membre de Promesses d’Eglise (animation du groupe de travail “périphéries, comité de pilotage et de rédaction du site)

Vous pouvez lire le document préparatoire en suivant ce lien sur le site du Vatican

ENSEMBLE POUR LE SYNODE

Le 17 octobre s’ouvrira dans tous les diocèses du monde la première phase du Synode sur la synodalité dans l’Eglise, ardemment souhaité par le pape François et solennellement lancé à Rome les 9 et 10 octobre. Le processus de consultation des catholiques du monde entier s’achèvera en 2023. Cette démarche vise à appeler tous les baptisés à « marcher ensemble » pour, à l’écoute de l’Esprit saint, réfléchir à « la nature de l’Eglise, à sa forme, son objet, sa mission », en s’appuyant sur « le plus grand manuel d’ecclésiologie que sont les Actes des Apôtres », a redit le pape le 18 septembre dernier devant les fidèles de Rome. « Personne ne peut être un simple figurant. Nous sommes tous l’Eglise, a-t-il insisté, tous ensemble. »

Le document préparatoire envoyé aux conférences épiscopales explicite cette ambition de mettre en œuvre un « dynamisme d’écoute mutuelle », articulé autour de trois mots : communion, participation et mission. Avant de penser à l’élaboration du document final de 2023, envisageant les pistes possibles pour rendre notre Eglise toujours plus synodale, nous sommes invités à vivre cette écoute mutuelle et à participer à ce travail commun. Dans les diocèses d’abord : c’est ce qu’ont demandé les évêques, par la voix de Mgr Blanchet et Mgr Fonlupt, aux membres de Promesses d’Eglise. Il nous faut inviter chacun des membres de nos associations et mouvements à rejoindre la réflexion diocésaine. Mais les évêques souhaitent également que Promesses d’Eglise, en tant que telle, apporte – au même titre qu’un diocèse – sa propre contribution, à la fin du mois de février 2022.

Nous avons accepté cette invitation, honorés de la confiance qui nous est ainsi faite. A charge pour nous de nous appuyer sur les remontées de tous les mouvements -membres et sur le travail des ateliers mis en place depuis plusieurs mois. Les différentes thématiques peuvent se retrouver dans les dix pistes de travail que le document préparatoire invite à approfondir par une série de questions concrètes.

Le délai sera court pour mener à bien cette aventure, pour aller plus loin que l’expérience qui nous rassemble depuis trois ans et qui se veut synodale, puisque, forts de la diversité de nos appartenances et de nos engagements, nous essayons de « marcher ensemble » : nous voulions répondre à l’appel du Pape au Peuple de Dieu, lancé en août 2018, afin de lutter contre le cléricalisme, une forme déviante d’exercice de l’autorité qui nous guette tous et qui, selon François, se trouve à la racine de des actes de pédocriminalité, des abus de conscience et de pouvoir qui défigurent le visage de l’Eglise. Une étape nouvelle nous attend. Nous nous y engageons ensemble avec force et humilité.

Interview du cardinal De Kesel

Vous trouverez ci-contre le texte de l’entretien accordé par le cardinal Joseph de Kesel à Monique  Baujard, à l’occasion de la publication de son livre :

« Foi & Religion dans une société moderne », aux Editions Salvator

Interview avec le cardinal Joseph De Kesel, archevêque de Malines-Bruxelles

 « Rien ne dit que l’Evangile a besoin d’une culture religieuse pour atteindre les personnes »

Le cardinal Joseph De Kesel vient de publier « Foi & Religion dans une société moderne », aux Editions Salvator. Dans ce livre, il offre une analyse stimulante des changements que nous vivons. Monique Baujard l’a interviewé pour Promesses d’Eglise. Un entretien plus développé paraîtra dans la revue Etudes à la rentrée.

M.B. : La première chose qui frappe, en lisant votre livre, est la sérénité avec laquelle vous regardez le monde. Vous dites que nous sortons d’une culture religieuse mais que cela ne signifie pas la fin du christianisme. Pouvez-vous nous expliquer cela ?

Cardinal De Kesel : Dans une culture religieuse, la religion forme le cadre de référence pour la vie en société. Nous avons connu cela pendant des siècles. La culture chrétienne imprégnait toute la vie personnelle et collective, indépendamment des convictions personnelles des uns et des autres. Il en va encore ainsi aujourd’hui dans certains pays musulmans. Mais l’Europe a connu depuis plusieurs siècles un mouvement d’émancipation. C’est un mouvement lent, qui vient du siècle des Lumières, et qui fait qu’aujourd’hui nous nous trouvons dans une société sécularisée. Cette société permet un pluralisme social et religieux qui ne pouvait exister avant. Dans une culture religieuse, il n’y a pas de place pour la dissidence. Je ne fais pas l’éloge de la sécularisation, c’est un état de fait, que nous pouvons accepter de bon cœur mais sans naïveté. Le risque est en effet le sécularisme, qui renvoie la religion dans la sphère privée, ce qui n’est pas acceptable. En fait, la société sécularisée offre la possibilité de vivre ensemble dans le respect de nos différences. Lorsque nos sociétés étaient de culture chrétienne, c’était certes une situation plus confortable pour l’Eglise, mais rien ne dit que l’Evangile a besoin d’une culture religieuse pour atteindre les personnes. Aujourd’hui, être chrétien relève d’un choix personnel et c’est bien comme cela que nous concevons la foi, comme la réponse libre de l’être humain à la sollicitation de Dieu. Sur ce point essentiel, modernité et foi chrétienne ne se contredisent donc pas. La liberté est le maître mot de la société sécularisée et c’est sa grandeur. Encore faut-il savoir comment user de cette liberté et c’est sur ce terrain que les religions auront toujours un rôle important à jouer.

M.B. : Quels rôles la foi et l’Eglise peuvent alors jouer dans cette société sécularisée ?

Cardinal De Kesel : La liberté est la grandeur mais aussi la limite de notre société, qui met l’accent sur l’épanouissement personnel et le progrès sans définir ces notions. Si chacun poursuit son épanouissement personnel sans jamais se soucier des autres, nous aboutissons à une liberté sans fraternité. Ce que le pape François dénonce comme « la globalisation de l’indifférence ». Devant cette liberté, chacun est amené à se poser la question de ce qu’il souhaite faire de sa vie, comment y donner sens. Dans une culture religieuse, les repères sont donnés pour tous par la religion dominante. Dans une société sécularisée, différentes religions ou philosophies peuvent offrir les moyens pour s’orienter. Pour nous ce sera l’Evangile, mais tous ne feront pas ce choix. L’Evangile invite à prendre en considération les relations avec les autres et à s’engager dans la vie, aussi bien dans la vie personnelle que professionnelle. Mais qui dit engagement dit aussi limitation de la liberté. C’est là le point critique. La société peut faire miroiter une liberté absolue mais celle-ci n’existe pas. C’est à travers mes engagements que je donne sens à ma vie. Ce sont aussi les engagements qui construisent la société. Un chrétien est également un citoyen, il ne s’agit pas de les séparer. L’Evangile m’aide à devenir un citoyen responsable et fraternel. Ce qui va orienter ma liberté et lui donner sens, c’est la fraternité que l’Evangile m’enseigne. La foi chrétienne n’est donc pas du tout vouée à disparaître, bien au contraire ! Elle sera pour beaucoup de personnes la boussole indispensable pour trouver leur chemin. Mais elle ne sera plus la référence exclusive pour tous. Bien sûr, cela a des conséquences pour l’Eglise en termes d’organisation et de fonctionnement.

M.B. : Justement, vous dites que l’Eglise va changer mais aussi qu’elle apprend de la société ?

Cardinal De Kesel : Le christianisme est une religion historique, l’Eglise ne peut se définir sans le monde. Elle n’est pas une société parfaite, à part. Il n’y a qu’un monde et l’Esprit y est à l’œuvre, y compris en dehors de l’Eglise. Dieu ne vise pas uniquement l’Eglise, il veut sauver le monde. L’Eglise doit être signe de ce salut. Aujourd’hui une figure historique du christianisme disparaît, mais l’Eglise est toujours appelée à être signe de salut pour tous. L’Eglise apprend de la société car c’est dans la rencontre authentique avec l’autre qu’il devient possible de mesurer ce que l’Evangile nous demande. C’est aussi la société moderne qui nous a appris la liberté religieuse. Elle n’allait pas de soi pour l’Eglise catholique. Dans le contexte actuel, elle doit accepter qu’il puisse y avoir des degrés d’appartenance variés à l’Eglise et accueillir toutes les personnes qui s’adressent à elle, même ponctuellement. Tous doivent se sentir les bienvenus. Il s’agit d’écouter, partager, témoigner. Finalement, il n’y a que l’amitié qui évangélise. Bien évidemment, la figure de l’Eglise va changer. Elle sera plus humble. Elle a toute sa place dans la société, mais seulement la place qui lui revient, acceptant que Dieu fera le reste. Elle sera aussi plus confessante, c’est-à-dire plus consciente de son identité et de sa particularité. Cela ne veut pas dire identitaire, il ne s’agit pas d’un repli sur soi, au contraire, l’Eglise devra être plus ouverte, accueillant largement. Pour autant, il ne s’agit pas non plus de suivre la société ou de s’aligner sur elle. Cette identité particulière, c’est l’Evangile qui la lui donne et c’est le message qu’elle a à proposer, non à imposer. L’Eglise sera plus petite, le nombre de catholiques sera réduit. Mais comme l’a dit le pape François, le problème n’est pas d’être moins nombreux, le problème serait de devenir insignifiant. Une Eglise plus petite, plus humble, mais aussi plus confessante et plus ouverte, peut être signe de salut pour tous, j’en suis convaincu.

M.B. : Vous avez écrit ce livre pendant la pandémie et alors que vous-même vous vous battiez contre un cancer. D’où tenez-vous cet optimisme ?

Cardinal De Kesel : Je ne parlerais pas d’optimisme mais de confiance. Oui, j’ai vécue cette période difficile dans la confiance. Mais cela ne se décide pas, la confiance, on la reçoit. Dans cette crise, j’ai vu beaucoup de réactions très sécularisées : les diverses mesures sanitaires ont été interprétées comme autant d’atteintes à nos droits et nos libertés et chacun voulait revenir au plus vite à la situation antérieure. Il me semble que nous pouvons aussi vivre cette crise comme une épreuve spirituelle à traverser. De même que ma maladie m’a mis devant ma fragilité, de même la pandémie nous a tous mis devant notre fragilité personnelle et collective. La crise nous oblige ainsi à apprendre à vivre avec nos fragilités, à vivre avec nos limites. Elle nous enseigne que notre liberté a des limites, qu’il n’existe pas de liberté absolue. Cela m’a fait penser au livre de l’Exode, où Dieu fait faire un détour au peuple juif. Quand Dieu nous fait faire un détour, c’est qu’il veut nous apprendre quelque chose, quelque chose d’essentiel que nous risquons sinon d’oublier. Lorsque l’on accepte l’épreuve et le détour, alors il n’est plus question de revenir à la situation d’avant, car nous sortons changés de la crise. Personnellement j’ai trouvé beaucoup de soutien dans les Psaumes de la prière des heures. Bien sûr, je les connaissais tous depuis longtemps, mais c’est comme si les cris et les angoisses qui s’y expriment, devenaient les miens. Je ne les prie plus de la même façon, l’épreuve de la maladie m’a changé. Collectivement, l’épreuve peut aussi nous changer. Accepter de vivre avec nos fragilités peut ouvrir nos yeux sur les fragilités de tant de personnes autour de nous qui peinent dans la vie. Ainsi, si nous acceptons de faire le détour auquel Dieu nous invite, une société plus fraternelle pourrait voir le jour.

Le réponse du pape François à Mgr Marx

La réponse du pape François à la lettre de démission de Mgr Marx.

Deux beaux textes à méditer

Cher frère,

Tout d’abord, merci pour ton courage. C’est un courage chrétien qui n’a pas peur de la croix, qui n’a pas peur d’être humilié face à la terrible réalité du péché. Et c’est ce que le Seigneur a fait (Ph 2,5-8). C’est une grâce que le Seigneur t’a donnée et je vois que tu veux la saisir et la garder pour qu’elle porte du fruit. Merci.

Tu me dis que tu traverses une période de crise ; non seulement toi mais aussi l’Église en Allemagne. Toute l’Église est en crise à cause de l’affaire des abus. De plus, l’Église d’aujourd’hui ne peut faire un pas en avant sans affronter cette crise. La politique de l’autruche ne mène nulle part, et la crise doit être assumée à la lumière de notre foi pascale. Les sociologismes et les psychologismes sont inutiles. Affronter la crise, personnellement et en communauté, est la seule voie fructueuse, car on ne sort pas d’une crise seul, mais en communauté. Gardons aussi à l’esprit que nous sortons d’une crise soit meilleur soit pire, mais jamais indemne (1).

Tu me dis que tu y réfléchis depuis l’année dernière : tu t’es mis en route, cherchant la volonté de Dieu avec la résolution de l’accepter quelle qu’elle soit.

Je suis d’accord avec toi pour qualifier de catastrophe la triste histoire des abus sexuels et la façon dont l’Église les a traités jusqu’à récemment. Prendre conscience de cette hypocrisie dans la manière de vivre la foi est une grâce, c’est un premier pas que nous devons faire. Nous devons prendre en charge l’histoire, à la fois personnellement et en tant que communauté. Nous ne pouvons rester indifférents face à ce crime. L’assumer, c’est se mettre en crise.

Tout le monde ne veut pas accepter cette réalité, mais c’est le seul moyen, car prendre des « résolutions » pour changer sa vie sans « mettre la chair sur le gril » ne mène à rien. Les réalités personnelles, sociales et historiques sont concrètes et ne doivent pas être assumées par des idées ; parce que les idées sont discutées (et il est bon qu’elles le soient) mais la réalité doit toujours être assumée et discernée. Il est vrai que les situations historiques doivent être interprétées avec les particularités de l’époque où elles se sont produites, mais cela ne nous dispense pas de les prendre en charge et de les assumer comme l’histoire du « péché qui nous enveloppe ». C’est pourquoi, à mon avis, chaque évêque de l’Église doit l’assumer et se demander : que dois-je faire face à cette catastrophe ?

Toute réforme commence par soi-même.

Le « mea culpa » face à tant d’erreurs historiques du passé, nous l’avons fait plus d’une fois dans de nombreuses situations même si nous n’avons pas personnellement participé à cette circonstance historique. Et c’est cette même attitude qui nous est demandée aujourd’hui. On nous demande une réforme qui, dans ce cas, ne consiste pas en des mots mais en des comportements qui ont le courage d’affronter la crise, d’assumer la réalité quelles qu’en soient les conséquences. Et toute réforme commence par soi-même. La réforme sans l’Église a été faite par des hommes et des femmes qui n’ont pas eu peur d’entrer en crise et de se laisser réformer par le Seigneur. C’est la seule voie possible, sinon nous ne serons que des « idéologues de la réforme » qui ne mettent pas leur propre chair en jeu.

Le Seigneur n’a jamais accepté de faire « la réforme » (permets-moi d’utiliser l’expression) ni avec le pharisien, ni avec le sadducéen, ni avec le zélote, ni avec l’essénien. Il l’a fait avec sa vie, avec son histoire, avec sa chair sur la croix. Et c’est la voie, la voie que tu as toi-même, cher frère, assumée en présentant ton renoncement.

Tu dis à juste titre dans ta lettre que le fait d’enterrer le passé ne nous mène à rien. Le silence, les omissions, le fait de donner trop de poids au prestige des institutions ne conduisent qu’à l’échec personnel et historique, et nous amènent à vivre avec le fardeau d’ »avoir des squelettes dans le placard », comme le dit l’adage.

C’est le chemin de l’Esprit que nous devons suivre, et le point de départ est l’humble confession : nous avons commis une erreur, nous avons péché.

Il est urgent de « ventiler » cette réalité des abus et de la manière dont l’Église a procédé, et de laisser l’Esprit nous conduire au désert de la désolation, à la croix et à la résurrection. C’est le chemin de l’Esprit que nous devons suivre, et le point de départ est l’humble confession : nous avons commis une erreur, nous avons péché. Ni les sondages ni le pouvoir des institutions ne nous sauveront. Nous ne serons pas sauvés par le prestige de notre Église, qui a tendance à dissimuler ses péchés ; nous ne serons pas sauvés par le pouvoir de l’argent ou l’opinion des médias (nous sommes si souvent trop dépendants d’eux). Nous serons sauvés en ouvrant la porte à Celui qui peut le faire et en confessant notre nudité : « j’ai péché », « nous avons péché »… et en pleurant, et en balbutiant du mieux que nous pouvons cet « éloigne-toi de moi, car je suis un pécheur », un héritage que le premier Pape a laissé aux Pontifes et aux Évêques de l’Église. Et alors nous ressentirons cette honte qui guérit et qui ouvre les portes à la compassion et à la tendresse du Seigneur qui est toujours proche de nous. En tant qu’Église, nous devons demander la grâce de la honte, et que le Seigneur nous évite d’être la prostituée éhontée d’Ézéchiel 16.

J’aime la façon dont tu termines ta lettre : « Je continuerai volontiers à être prêtre et évêque de cette Église et je continuerai à m’impliquer au niveau pastoral aussi longtemps que je le jugerai raisonnable et opportun. Je voudrais consacrer les prochaines années de mon service de manière plus intense à la pastorale et m’engager pour un renouveau spirituel de l’Église, comme vous le demandez inlassablement ».

Et voici ma réponse, cher frère. Continue comme tu le proposes, mais en tant qu’archevêque de Munich et Freising. Et si tu es tenté de penser que, en confirmant ta mission et en n’acceptant pas ta démission, cet évêque de Rome (ton frère qui t’aime) ne te comprend pas, pense à ce que Pierre a ressenti devant le Seigneur lorsque, à sa manière, il Lui a présenté sa démission : « Éloigne-toi de moi, car je suis un pécheur », et écoute la réponse : « Fais paître mes brebis ».

Avec une affection fraternelle,

FRANCISCO.

La lettre de démission du cardinal Marx

Un texte courageux, qui pose la question des “erreurs” systémiques de l’Eglise face au scandale des abus sexuels

Lettre du card. Reinhard Marx

Saint-Père,

Nul doute que l’Eglise en Allemagne traverse des moments de crise. Certes, il y a de nombreux motifs – y compris ailleurs qu’en Allemagne dans le monde entier – que je ne pense pas devoir ici énumérer en détail. Toutefois, la crise est causée par notre échec personnel, par notre faute. Cela m’apparaît de plus en plus nettement si je regarde l’Eglise catholique en général et cela, pas seulement aujourd’hui, mais également en référence aux dernières décennies. Il me semble – et ceci est mon impression – que nous sommes arrivés à un « point mort », mais qui pourrait aussi devenir un tournant selon mon espérance pascale. La « foi pascale » vaut également pour nous, évêques, dans notre charge pastorale : Qui veut sauver sa vie la perdra ; qui la perdra la sauvera !

Depuis l’année dernière, je réfléchis à sa signification pour moi personnellement et, encouragé par le temps pascal, j’en suis arrivé à la conclusion de vous prier d’accepter ma renonciation à la charge d’archevêque de Munich et Freising.

Il s’agit pour moi, en substance, d’assumer la coresponsabilité de la catastrophe des abus sexuels commis par les représentants de l’Eglise au cours des dernières décennies. Les enquêtes et les expertises de ces dernières années me montrent constamment qu’il y a eu à la fois des échecs au niveau personnel et des erreurs administratives, mais également une défaillance institutionnelle et « systématique ». Les polémiques et discussions plus récentes ont montré que certains représentants de l’Eglise ne veulent pas accepter cette coresponsabilité ni par conséquent la faute commune de l’Institution. Par conséquent, ils refusent tout type de réforme et d’innovation en ce qui concerne la crise liée aux abus sexuels.

Je vois les choses de façon totalement différente. Il y a deux éléments qui ne doivent pas être perdus de vus : les erreurs personnelles et l’échec institutionnel qui exigent des changements et une réforme de l’Eglise. Un tournant pour sortir de cette crise ne peut être, à mon avis, que la « voie synodale », une voie qui permet vraiment le « discernement des esprits », comme vous l’avez toujours souligné et écrit dans votre Lettre à l’Eglise en Allemagne.

Je suis prêtre depuis quarante-deux ans et évêque depuis presque vingt-cinq ans, dont vingt ans comme Ordinaire d’un grand diocèse. Je ressens douloureusement la baisse d’estime à l’égard des évêques dans la perception ecclésiastique et séculière ou plutôt celle-ci a probablement atteint son point le plus bas. Pour assumer la responsabilité, selon moi, il n’est pas suffisant de réagir uniquement au moment où l’on réussit à identifier, sur la base des actes, qui sont les responsables individuels et quelles sont leurs erreurs et leurs omissions. Il s’agit plutôt de préciser qu’en tant qu’évêques, nous voyons l’Eglise dans son ensemble.

En outre, il n’est pas possible de reléguer simplement les remontrances au passé et aux fonctionnaires d’alors et ainsi de « les enterrer ». Personnellement, je sens ma faute et ma coresponsabilité notamment dans le silence, les omissions et le poids donné au prestige de l’Institution. Ce n’est qu’après 2002 et, par la suite, de manière plus intense à partir de 2010, qu’ont émergé les responsables des abus sexuels. Toutefois, ce changement de perspective n’est pas encore arrivé à son accomplissement. La négligence et le désintérêt pour les victimes ont certainement été notre plus grande faute dans le passé.

Après le projet scientifique (étude MHG) sur les abus sexuels sur les mineurs, commandité par la Conférence épiscopale allemande, j’ai affirmé dans la cathédrale de Munich que nous avions échoué, mais qui est ce « nous » ? Certes, j’en fais partie moi aussi. Et cela signifie que je dois en tirer des conséquences personnelles. Ceci est de plus en plus clair pour moi.

Je crois qu’une possibilité d’exprimer ma volonté d’assumer des responsabilités est ma démission. Je pourrai ainsi probablement donner un signal personnel pour un nouveau commencement, pour un nouveau départ de l’Eglise et pas seulement en Allemagne. Je veux montrer que ce n’est pas la charge qui est au premier plan, mais la mission de l’Evangile. Cela fait aussi partie de la pastorale.

C’est pourquoi je vous prie vivement d’accepter ma démission.

Je continuerai avec plaisir à être prêtre et évêque de cette Eglise et je continuerai de m’engager au niveau pastoral toujours et comme vous le jugerez bon et opportun. Je voudrais consacrer plus intensément les années à venir de mon service à la pastorale et m’engager pour un renouveau spirituel de l’Eglise, comme vous y exhortez inlassablement.

Oboedientia et Pax e oremus pro invicem

Nelly Vallance répond au questionnaire de promesses d’Eglise

Nelly Vallance a une double formation d’ingénieur et de sciences politiques, orientée vers le domaine de l’énergie. Engagée au MRJC depuis 10 ans, elle en est la présidente depuis l’été 2020

 

« Maintenant, il va falloir apprendre à dialoguer »

  1. Dans sa Lettre au Peuple de Dieu, le pape François appelle à une transformation ecclésiale et sociale qui passe par un refus de toute forme de cléricalisme. Quel lien faites-vous entre transformation ecclésiale et sociale ?

Il y a un parallèle entre ce qui se passe dans l’Eglise et ce qui se passe dans la société. Nous avons besoin de lutter dans la société contre différentes formes d’oppressions. Le MRJC y est engagé, notamment pour combattre les discriminations en fonction du genre, de l’âge ou de l’origine territoriale. Il y a partout des rapports de pouvoir qui peuvent donner lieu à des abus. L’Eglise n’est pas étrangère aux relations déséquilibrées ; entre clercs et laïcs, entre sachant·e·s et écoutant·e·s, les rapports de pouvoirs sont réels et de nombreux abus liés à ce déséquilibre ont été révélés ces dernières années.
Nous luttons pour une société juste et équitable et cette exigence d’équilibre des relations nous la situons dans l’Eglise au même titre que dans le reste de la société.

  1. Quels domaines ou quelles évolutions vous paraissent prioritaires aujourd’hui ?

Le pape parle de synodalité, de marcher ensemble. Ce qui importe alors c’est que chacun·e puisse tenir sa place dans ce cheminement. Il s’agit de faire de la place pour les laïcs, pour les femmes, pour les jeunes, pour les personnes vulnérables, etc. Cela passe par une manière de s’écouter, par la reconnaissance de la façon de faire et de croire de chacun·e. Une Eglise qui est capable d’accueillir tout un chacun, une Eglise plurielle et ouverte.

  1. Quels obstacles ou quels points de vigilance voyez-vous sur ce chemin de la transformation ?

La difficulté est de se mettre tou·tes autour de la table et de dialoguer. C’est indispensable pour avancer ensemble. Mais dans l’Eglise comme ailleurs, il y a aussi des freins face au changement. La force de Promesses d’Eglise est déjà de mettre tout le monde autour de la table : des mouvements et communautés qui ont des manières de vivre l’Evangile de manière très variées, ainsi que les évêques. Maintenant, il va falloir apprendre à dialoguer en respectant nos différences et en abordant des sujets qui ne font pas l’unanimité. L’étape suivante sera de se dire ce que le dialogue transforme de notre perception des choses et notre manière de faire Eglise, et quelle inspiration nous en retenons pour demain.

  1. Quel signe ou quelle expérience concrète vous fait dire que cette transformation est déjà en marche ou en tout cas possible ?

Promesses d’Eglise est déjà un signe du changement. La démarche n’en est qu’à ses débuts, mais le collectif rassemble des mouvements, communautés et associations de tous horizons en lien avec la CEF. Nous y retrouvons le rôle de l’Eglise d’embrasser l’ensemble des baptisé·e·s dans une même Eglise, malgré les divergences de charisme. Nous pouvons y parler librement dans notre pluralité, dans un climat de respect et de paix. Le chemin pour aboutir à une Eglise synodale est encore long, mais le fait qu’un espace de dialogue existe déjà est encourageant.