Promesses d’Église relaye cette tribune (qui a aussi été publiée sur le site de La Croix) en soutien aux victimes.

 

 

Association Mémoires des violences sexuelles et abus dans les Églises

TRIBUNE

Nous vous invitons à la signer

Pédocriminalité et abus dans l’Église :

sans mémoire, pas de justice

Les responsables de l’Église catholique agissent comme s’il leur était demandé de gérer des crises successives. La réalité est qu’ils doivent affronter un système défaillant qui a permis et continue de permettre à des criminels de se croire protégés par le silence et l’impunité de l’institution. Tant que l’on refusera d’assumer cette dimension systémique, l’Église restera dans l’oubli et l’inertie coupables.

Mémoriser pour réparer, reconnaître pour changer 

Ne plus traiter ces drames comme des scandales ponctuels, mais comme une responsabilité collective et historique, est indispensable. Il faut intégrer la voix des victimes, qui ne sont pas des objets, même de mémoire, mais des sujets éclaireurs d’une vérité qui dépasse les individus ; elles révèlent les mécanismes de pouvoir et d’omerta qui ont rendu ces crimes possibles. Il est essentiel d’accepter le travail mémoriel comme une obligation morale, non pas pour “tourner la page”, mais pour s’assurer qu’elle soit comprise, transmise et enseignée.

Une Église amnésique est une Église complice

La mémoire collective est un processus actif qui façonne le présent. En refusant d’engager un véritable travail mémoriel, l’Église continue d’alimenter les conditions qui ont rendu ces crimes et leur impunité possibles.

Nous rappelons avec force qu’aucune institution ne peut prétendre à une quelconque autorité morale si elle refuse d’affronter ses propres ombres.  La mémoire est un droit pour les personnes victimes et une obligation pour l’Église. L’indifférence et l’oubli forment des renoncements qui entachent la crédibilité de l’Église.

La reconnaissance du caractère systémique de ces crimes et la nécessité de réparation ne suffisent pas, il faut une remise en cause profonde de la manière dont l’Église catholique se pense et fonctionne. Si l’effraction spirituelle que représentent ces crimes concerne en premier lieu les personnes victimes, elle atteint l’ensemble de la communauté. L’inertie de l’Église institutionnelle est d’autant plus incompréhensible qu’elle creuse chaque jour un peu plus la fracture avec les personnes victimes, qui attendent justice et reconnaissance ; avec les fidèles, désorientés par ce silence et l’impunité des agresseurs ; enfin avec la société tout entière, qui constate ce refus d’assumer la vérité.

Ne pas oublier, c’est déjà agir

Il appartient à chacune et chacun d’affirmer, par un mot, un geste, un engagement, que nous n’oublions pas : nous refusons que ces drames se répètent, nous affirmons notre solidarité, nous agissons pour que l’Église et la société tout entière ne restent plus figées dans l’indifférence et l’oubli.

Cette parole est aussi un rempart contre l’exclusion et l’incompréhension. Elle empêche que les personnes victimes se retrouvent une nouvelle fois rejetées, isolées par le silence ou l’embarras de leur entourage. Elle leur signifie qu’elles ont une place, une écoute et une reconnaissance, qu’elles ne sont plus niées. Une pastorale et des actes liturgiques spécifiques doivent être inscrits dans la vie ecclésiale, afin que la mémoire des personnes victimes ne soit jamais effacée et qu’elle devienne un engagement spirituel et concret de toute la communauté chrétienne.

Une mémoire institutionnalisée pour exister réellement

L’Assemblée plénière de mars 2021 avait acté l’installation d’un lieu mémoriel. En 2023, le Groupe mémoire avait préconisé devant l’Assemblée des évêques l’institutionnalisation de ce travail mémoriel. Il doit s’incarner dans un lieu qui porte une parole mémorielle, historique et symbolique. Il doit être construit sur le témoignage des personnes victimes et avec elles, en réseau, afin de faire droit aux histoires personnelles, collectives et locales, et aux dimensions nationale et universelle.

Sans cette reconnaissance institutionnelle de la mémoire, toute prétention à la réparation restera une parole vide. Il est urgent que l’Église catholique crée un espace où la mémoire ne soit plus un fardeau à dissimuler, mais un levier de vérité et de transformation. Et que toutes les Églises, ainsi que les institutions civiles concernées, suivent ce chemin.

Née du Groupe mémoire ayant travaillé pour la CEF et la CORREF après le rapport de la CIASE, l’Association Mémoires des violences sexuelles et abus dans les Églises garantit que la voix des personnes victimes reste toujours centrale, pour que l’oubli ne l’emporte jamais sur la vérité.

Notre association prend la parole alors que la Conférence des évêques catholiques (CEF) de France s’apprête à ouvrir son Assemblée plénière de printemps à Lourdes. En amont, la CEF réunit des personnes victimes, des responsables des groupes de travail mis en place après le rapport de la Commission indépendante sur les abus dans l’Église (CIASE), ainsi que divers acteurs ecclésiaux et civiques pour une session intitulée « Lutte contre les violences ». Cette rencontre a pour objectif de dresser un bilan des actions menées et d’identifier ce qui reste à faire.

Des membres de notre Conseil d’administration participeront à la rencontre à Lourdes et distribueront la tribune avec vos signatures. Nous envisageons également une diffusion par courriel.

Cette tribune est publiée dans le journal La Croix en ligne du jeudi 20 mars.

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