Recension parue dans la revue Etudes :
Patrick C. Goujon
Prière de ne pas abuser
Seuil, 2021, 96 pages, 12 €.
Prière de ne pas abuser est un aveu intime et courageux. Patrick Goujon y révèle, avec pudeur, délicatesse, fragilité et force, non seulement ce qu’il a subi enfant, mais surtout l’expérience étonnante de déni qu’il a vécu jusqu’à une période encore récente. L’homme confie, dans ce court récit, très personnel, ce qu’il aurait été moins engageant et exposant pour lui de taire. Il déploie, avec beaucoup de simplicité et de poésie, malgré la lourdeur du sujet, une parole, comprimée pendant des années dans son corps noué et meurtri par la charge de ce qu’un prêtre lui imposa de vivre, enfant. En abusant de lui, ce dernier lui brisa la vie et le corps, ce corps trop longtemps chargé du joug d’un déni qui s’est infiltré dans tous les tissus et les fibres de son être, donnant au mal qu’il a vécu une réalité physique, méconnaissable dans sa forme initiale. Un souffle puissant traverse ce récit de dévoilement. Patrick Goujon raconte comment des médecins, notamment, l’aidèrent à réaliser que ses douleurs physiques terrassantes pouvaient traduire des expériences traumatisantes oubliées, non : déniées ! Le chemin qu’il raconte est celui de la découverte de son déni, celui qu’il parcourt pour tenter de porter plainte contre ce criminel, connu de l’Église pour sa déviance pédophile, un temps au cours duquel des questions existentielles capitales l’assaillent et qui auraient pu le mener à renoncer à être prêtre. Mais le cœur de cet homme est un cœur de prêtre. Patrick Goujon témoigne de sa réconciliation avec lui-même, avec l’amour des autres, ces autres qui ont participé à l’aider, et surtout avec Celui qui sauve : le Christ. Ce texte magnifique bouleverse, parce que ni la haine ni l’amertume ne triomphent en lui. Patrick Goujon choisit d’épouser de nouveau ou plutôt de confirmer pleinement sa vocation, celle de l’Amour.
Camille Lacau St Guily