On savait, mais quoi ? La pédophilie dans l’Église de la Révolution à nos jours
Claude Langlois, Editions Seuil, 2020, 240 p.
On entend souvent, au sujet des délits sexuels dont les révélations se multiplient, que les évêques « savaient »… L’Église savait donc, mais quoi exactement, et depuis quand ? Pour y répondre en historien, Claude Langlois s’intéresse à la manière dont l’Église a cherché à gérer ses clercs en difficulté et les prêtres pédophiles en particulier. L’Église savait bien, tout comme l’opinion publique d’ailleurs, la réalité de comportements sexuels graves, y compris sur des mineurs, de la part de prêtres ou de frères enseignants. Ces comportements ont été au fil du temps diversement interprétés (péché, inaptitude au sacerdoce, maladie mentale, délit ou crime) et traités (interdiction du ministère, soin ou, le plus souvent, simple déplacement du prêtre et soutien pour lui permettre d’échapper aux poursuites judiciaires). On savait donc des prêtres coupables, mais on ne savait guère, malgré les alertes lucides de certains, ni le danger que représentaient ces prêtres simplement déplacés, ni surtout la dévastation produite par leur crime sur les enfants victimes. Car l’histoire de la pédophilie dans l’Église est celle de la préoccupation pour les prêtres coupables bien plus que celle de l’attention aux victimes, dont la parole, portée d’abord par la société civile, n’a pu se faire entendre que très récemment. Si l’auteur annonce ne pas avoir l’ambition d’apporter « la ferme certitude des causes, ni les remèdes », il offre pourtant une enquête rigoureuse et qui se lit d’un trait. Plus encore, il partage en conclusion des convictions très suggestives, notamment ceci : les réflexions nées de cette crise portent aujourd’hui plus souvent sur les abus et leur gestion – abus de pouvoir, abus sexuels – que sur la nécessité de repenser fondamentalement les rapports du pouvoir et de la sexualité dans l’Église catholique.
Emmanuelle Maupomé