Essai sur la genèse ecclésiale du politique entre Moyen Âge et Modernité
Bénédicte Sère, Edutions PUF, 2019, 288 p.
L’invention de l’Église dont il est ici question est celle des historiens-théologiens qui ont inspiré et accompagné le concile de Vatican II (en France, principalement Marie-Dominique Chenu et Yves Congar), en puisant aux sources de l’époque du Grand schisme et des débats conciliaires du XVème siècle. L’auteure entend montrer comment « l’Église a continûment manipulé l’histoire de son propre passé pour construire sa mémoire et se mettre en récit, en un va-et-vient constant entre Moyen Âge et Modernité, voire Contemporanéité ». Elle le fait en sept essais d’historiographie critique autour des notions de conciliarisme, de constitutionnalisme, de collégialité, de réformisme, d’antiromanisme, de modernisme et d’infaillibilisme. À propos de chacune d’elle, elle analyse quel usage en a été fait du Moyen Âge aux XIXème et XXème siècles, que ce soit par les partisans ou par les adversaires de la collégialité ou de l’infaillibilité par exemple. L’auteure invite à un retour aux archives et à une nouvelle lecture de sources, parfois inédites, du Moyen Âge, pour les confronter aux récits devenus canoniques des manuels d’histoire religieuse. On comprend avec elle que la collégialité épiscopale contemporaine n’a rien à voir avec celle des assemblées synodales et conciliaires du XVème siècle, alors qu’à l’inverse, l’infaillibilité pontificale n’est pas une idée neuve au XIXème siècle. Elle est apparue au XIVème siècle mais, paradoxalement, pour limiter le pouvoir pontifical, empêchant un pape à venir d’invalider les décisions d’un pontife précédent. En affirmant sa volonté de « faire de l’histoire religieuse en vue d’autre chose que le religieux », Bénédicte Sère apporte une contribution critique et des matériaux décisifs aux réflexions ecclésiologiques en cours.
Michel Sot