Enzo Bianchi, Claudio Ubaldo Cortoni, Fabrizio Mandreoli et Riccardo Saccenti, Editions Lessius « La part-Dieu », 2020,136 p.
La question de la prédication est d’actualité dans l’Église catholique. Le magistère fait régulièrement mention des difficultés qu’elle suscite et bien des chrétiens, qui sont aussi des chrétiennes, s’interrogent sur une pratique qui reste essentiellement réservée, verrouillée. Alors que l’homélie engendre beaucoup d’indifférence, d’ennui, parfois de rejet, les textes magistériels renchérissent depuis les années 1990 sur le lien qui unit cet acte liturgique à la personne du « ministre sacré ». Pourtant, la prise au sérieux de l’identité baptismale, avec la dimension missionnaire qui lui est attachée, impose de s’interroger sur le plein exercice de la diaconie de la Parole au sein de l’ensemble du peuple chrétien. Or il se trouve que l’histoire de l’Église elle-même provoque à ouvrir le débat. C’est la vertu de ce livre, qui convoque la parole d’historiens, de faire la démonstration que la question a occupé d’autres époques, qu’elle fut objet de controverses intenses où elle reçut des réponses diverses, incluant en certains temps la reconnaissance d’une prédication exercée par des laïcs, y compris par des femmes. Grâce à ces pages, on accédera ainsi à l’histoire complexe de la réforme grégorienne qui, au XIIe siècle, avait déjà affaire à des questions de pleine actualité autour du laïcat et de l’exercice de la parole d’enseignement et de prédication. Les perspectives qu’ouvre Enzo Bianchi, en introduction, invitant à un renouvellement de notre pratique contemporaine, se trouvent ainsi appuyées et légitimées par une tradition qui, bien comprise, se manifeste comme principe de liberté et d’innovation. Des annexes donnent accès à des documents précieux, qui vont de l’époque de Pierre Damien (1007-1072) à la nôtre.
Anne-Marie Pelletier