Constance Vilanova
Religieuses abusées.
Le grand silence, Artège, 2020, 216 pages, 17 €
Préface de Stéphane Joulain
Durant l’été 2018, une nouvelle vague de révélations d’abus sexuels dans l’Église éclate. Les victimes sont cette fois des adultes, des religieuses, et les auteurs des crimes des prêtres, des religieux, des évêques, au Chili, en Italie, en Inde… En France et en Allemagne, c’est en mars 2019 que le documentaire d’Arte « Religieuses abusées », révèle au grand public et aux fidèles atterrés cette réalité. La parole de ces religieuses, longtemps tue, voire étouffée, commence donc elle aussi à se « libérer », profitant sans doute des portes ouvertes à la fois par les victimes de la pédocriminalité dans l’Église, et par le mouvement #Metoo. La journaliste Constance Vilanova nous livre dans ce livre à la couverture et au titre inutilement accrocheurs son enquête sur le sujet. Enquête difficile pour elle, qui répète avoir souvent eu l’impression de se heurter à un « grand silence ». Enquête sérieuse en même temps : elle retrouve les rapports de religieuses missionnaires qui, il y a trente ans, dénonçaient déjà ces abus devant les instances romaines. Elle donne également la parole à des « lançeuses d’alerte » passées ou actuelles, à des témoins, à des victimes, mais aussi à des responsables ecclésiaux, qui tous et toutes tentent de parler, de dénoncer le sort souvent réservé à ces religieuses (obligation au silence, culpabilisation, exclusion de la communauté, parfois avortement imposé), de les accompagner et enfin d’éclairer les mécanismes qui favorisent ces abus : la dépendance matérielle ou spirituelle de certaines sœurs, la place des hommes dans certaines cultures, et, partout, la tendance à sacraliser la place du prêtre ainsi qu’à pratiquer « la culture du secret » dans l’Église.
Emmanuelle Maupomé