Régine et Guy Ringwald
La bataille d’Osorno
Temps Présent/Golias, 2020, 290 pages, 19 €
Le titre de cet ouvrage fait référence aux combats menés par les laïcs d’Osorno (Chili), face à leur évêque Mgr Juan Barros, nommé en janvier 2015 par le pape malgré sa proximité avec le très fameux père Fernand Karadima, qui fut jugé et condamné par l’Église en 2011 pour pédophilie. C’est tout le fonctionnement de l’empire Karadima qui est ici exposé, ses alliances avec Augusto Pinochet et avec la bourgeoisie de Santiago, la capitale, ses méthodes perverses de contrôle spirituel dans sa paroisse d’El Bosque et les abus sexuels qu’il a perpétrés depuis les années 1960. La nomination à l’évêché d’Osorno de Juan Barros, un de ses protégés, pousse de nombreux laïcs à se faire entendre fortement, avec l’appui des victimes de Karadima. Le voyage du pape au Chili en janvier 2018, sa défense de Mgr Barros puis sa découverte d’une culture des abus dans ce pays a montré l’ambigüité de la hiérarchie (le nonce apostolique, le cardinal de Santiago etc.) face à ces drames. Après un traitement de choc, le pape ayant demandé la démission de tous les évêques chiliens, il semble que la routine administrative ait repris le dessus. Tous ces événements sont racontés avec force détails, lettres, analyses, déclarations. Ce volume déjà éprouvant à parcourir par le caractère bouleversant de son sujet s’achève sur un chapitre concernant le jésuite Renato Poblete, très célèbre au Chili, décédé en 2010. Sa double vie, entretenue par l’argent et le pouvoir, a été révélée en avril 2019 par une de ses victimes devenue son « esclave sexuelle » pendant huit ans dans les années 1980-1990. Ce récit résume tragiquement toutes les compromissions de l’Église face aux abus sexuels.
Pierre de Charentenay