Recension parue dans la revue Etudes
Monique Baujard, Geneviève Comeau, Joëlle Ferry, Thérèse de Villette, Agata Zielinski
J’écouterai leur cri
Cinq regards de femmes sur la crise des abus. La Xavière – Éditions Emmanuel, 2022, 172 pages, 18 €.
L’an dernier paraissait, aux mêmes éditions, un premier ouvrage collectif proposant « cinq regards de femmes sur la crise » (C’est maintenant le temps favorable, 2021). Le mot de « crise », à l’époque, se suffisait à lui-même : en pleine pandémie, et sortant tout juste d’un deuxième confinement sanitaire, il allait sans dire que nous avions basculé dans un régime de crise inédit. C’est donc avec un sentiment d’urgence, pour ne pas nous laisser nous enliser dans le désarroi, que s’était constitué un collectif de femmes, toutes religieuses xavières, non pour dénoncer les travers dont résultait la crise ni s’enthousiasmer du « monde d’après », mais pour mettre en lumière les ressources insoupçonnées dont nous disposions déjà. Or, par une triste coïncidence, la publication quelques mois plus tard du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase), qui révélait l’ampleur et la nature systémique de la pédocriminalité dans l’Église catholique, fit plonger celle-ci dans une crise au moins aussi profonde. Les xavières sont alors revenues à la charge avec la même recette, recomposant un collectif pour la circonstance, élargi à une laïque, Monique Baujard. Pourtant, le mot d’ordre n’était plus de « ne pas se laisser abattre » : chacune des contributrices se livre ici sur la façon dont la révélation des abus l’a ébranlée aux entrailles. Et c’est justement cet ébranlement qui les pousse à trouver en elles les ressources pour venir en aide au peuple des fidèles, puisant chacune dans son bien propre afin de ne pas les laisser à terre. Mais ces femmes ne se cantonnent pas à un rôle de Bon Samaritain, ni même de veuve à l’obole : en tant que membres à part entière du « corps du Christ », égorgé et pourtant debout, qu’est l’Église, elles témoignent des immenses ressources que celle-ci porte en elle, dès lors qu’elle prend conscience d’elle-même dans ses véritables dimensions.
Théophile Desarmeaux